C26 J16 – correspondance

« Je crois qu’on oublie les choses si on a personne à qui les raconter »

The Lunchbox de Ritesh Batra

Ce soir j’ai enfin regardé ce très beau film indien.

J’ai pensé à cet épisode de ma vie qui a tant joué dans ce que je suis aujourd’hui. Aux lettres rangées dans une boîte dans le placard.

J’ai eu quelques temps moi aussi une liaison épistolaire. C’était il y a longtemps. J’avais 16 ans. J’ai eu le coup de foudre dans la rue pour un garçon de mon lycée, plus âgé. J’ai mené mon enquête pour trouver son nom et son adresse et lui ai écrit. Une lettre simple et maladroite disant que j’avais eu envie d’échanger avec lui. Un mois sans réponse. Je le regardais de loin et me trouvais bête. Puis sans cachet, je l’ai trouvée sur le sol de l’entrée. La première d’une longue série. J’avais écrit chez son père, loin d’ici. Il habitait chez sa mère, juste à côté. Il avait été touché. Il voulait continuer. Des centaines de courriers ont suivi. Des pages et des pages noircies de prose adolescente. On avait tout et tant à se raconter. Je n’oublierai jamais l’attente quotidienne, l’oreille alerte et le cœur qui bondit au bruit de la boîte aux lettres qui claque. J’avais inventé un nom, il n’a pas su qui j’étais avant un mois et demi. On osait à peine se regarder dans la cour du lycée. Il ne fallait pas rompre la magie. Nous nous sommes écrit quatre mois et demi. Et puis un jour nous nous sommes rencontrés. Pour de vrai. Quand on s’est embrassé pour la première fois, on ne s’était jamais parlé mais on avait presque tout dit.

C’était il y a 16 ans. Thésée mettait des plumes dans ses courriers.